Ce matin encore, je regarde ma petite sœur se faire des couettes devant le miroir. Elle adore ses cheveux entre le blond et le brun. Elle peut passer des heures à regarder des tutoriels de coiffure pour trouver ce qu'elle va faire à ses cheveux mais elle revient presque toujours à ses habituelles couettes hautes.
Dans son uniforme scolaire, elle fait très mignonne. Pourtant, ce ne sont pas d'autres jeunes de son âge qui viennent l'aborder ou lui demander son numéro. Ce sont des hommes. De bien souvent plus de quarante ans. À chaque fois, je sens mon cœur rater un battement. Son petit nez se fronce et elle offre un sourire forcé à l'homme du jour, voulant clairement se cacher derrière moi mais, à treize ans, elle se dit que ça ne ferait pas mature de sa part, qu'ils seraient encore plus intéressés malgré ses rejets.
Je vois bien qu'elle commence à changer. Pas vraiment au niveau de son physique. Ses seins sont encore minuscules, à peine sortis. Ses hanches sont à peine plus larges que l'année précédente. Bon sang, elle vient tout juste de commencer à avoir ses règles!
C'est au niveau mental que les choses changent. Elle sort de moins en moins souvent sans être accompagnée par au minimum une autre personne. Elle a presque toujours avec elle un gros hoodie et met le capuchon dès qu’un adulte approche. Ses jolies jupes et collants sont remplacés par des joggings colorés bien souvent trop larges. Elle fait tout pour cacher son corps si il n’y a pas au moins trois personnes à ses côtés pour toute la durée où elle sort en public. Elle qui aime tant les jupes et les crop-top n’ose plus s’habiller comme elle le désire réellement parce qu’elle sent les regards la suivre partout où elle va.
Elle ne va plus à la piscine municipale, ni au parc et encore moins sur les balançoires. Elle ne se penche plus pour ramasser ce qu’elle échappe, préférant se dire qu’elle est une pollueuse plutôt que de s’apercevoir qu’un adulte reluque encore ses fesses. Elle a supplié nos parents pour avoir un téléphone portable juste pour pouvoir nous appeler quand elle pense être seule et qu’il y a des hommes autour.
Elle parle moins, mange moins, dors moins. Elle a cessé de remarquer quand les garçons de son âge s’intéresse à elle. Quand on la regarde plus de quelques secondes, elle se sent agressée. Elle est passée de passionnée, joueuse et joueuse à timide, triste et renfermée.
Pourtant, malgré que ça la blesse, il est toujours possible d’entendre les gens du quartier parler. Ils l’appellent Lolita.