Nous sommes bien moins joyeux le lendemain, lorsqu’il faut reprendre les cours. J’ai pu appeler Lucía et lui expliquer les raisons de mon départ. Lorsqu’elle a compris ce que Claude m’avait fait subir, je l’ai entendue s’effondrer au téléphone. Elle m’a proposé que nous nous voyons après mes cours afin d’en parler et j’ai accepté. Il est également prévu qu’elle rencontre Laure et Thomas dans la semaine pour faire le point.
Gabriel glisse sa tête dans l'entrebâillement de la porte de ma chambre alors que je me frotte les yeux encore pleins de sommeil.
– Mince t’es déjà réveillé ! Je voulais te faire la surprise, c’est raté.
Je souris tendrement en voyant sa mine dépitée.
– Ne sois pas triste, je suis sûr que c’est rattrapable, dis-je en me levant.
Je lui prends les mains et l’attire vers moi pour un baiser passionné. Je l'entraîne jusqu’au lit, sur lequel je m’allonge doucement, le laissant glisser au-dessus de moi. Le parfum de sa peau m’enivre lorsque je dépose mes lèvres sur son cou et je sens mon cœur battre plus fort alors que sa main caresse délicatement mon torse. D’un coup de bassin, j’inverse nos positions. Surpris, Gabriel laisse échapper un petit gémissement incroyablement sexy. Sentant son désir s’exprimer au contact de mes hanches, je me presse un peu plus contre lui, soupirant de plaisir à mon tour. J’essaye d’ignorer l’angoisse qui commence à monter et qui me prend au ventre lorsque je réalise où pourraient nous mener ces caresses. Alors que j’essaye de me concentrer sur les sensations du présent, la voix de Laure appelant son fils depuis le salon nous fige.
– J’arrive, maman ! crie Gabriel d’une voix particulièrement rauque.
Nous nous écartons l’un de l’autre, non sans une certaine réticence, et essayons de reprendre nos esprits.
– Je crois que j’ai besoin d’une douche bien fraîche, dit Gabriel.
Je m’esclaffe et me penche vers lui pour l’embrasser.
– Ah non ! s’écrie-t-il en tournant la tête. Il va falloir que tu restes loin de moi pendant au moins une heure.
Je recule, un sourire amusé m’étirant les lèvres, et commence à sortir mes vêtements du jour.
– Je crois que c’est pas plus mal qu’on se soit arrêtés là, dis-je finalement. Je ne pense pas être prêt pour le moment à… tu sais quoi. Encore moins avec tes parents dans les parages.
– Ouais, je crois que moi non plus, même si c’était vraiment très agréable.
Le rose qui commence à teinter ses joues le rend adorable.
– Rien ne nous empêche de profiter de toutes les autres choses pendant que tes parents s’absentent, j’ajoute.
Mon copain rougit encore plus et je dépose un baiser chaste sur son front avant de sortir de la pièce.
D’un air maussade, je regarde le lycée s’approcher par la fenêtre du bus. Ma main est posée sur la cuisse de Gabriel, source d’apaisement. Nous avons convenu de ne pas nous cacher à l’école. De toute évidence, des rumeurs circulent déjà à notre sujet depuis le nouvel an, si ce n’est avant. Nous avons à peine le temps d’entrer dans l’établissement que la cloche sonne et, dans un concert de traînements de pieds et de plaintes, nous montons tous en classe.
Le cours est interminable. Tous les élèves baillent à s’en décrocher la mâchoire, face au professeur qui nous parle du prochain contrôle. Je sors mon téléphone pour me distraire et aperçois cinq appels manqués de Claude. Une bouffée d’angoisse m’envahit et, avant que je ne me rende compte de quoi que ce soit, je suis déjà dans le couloir à courir pour chercher de l’air. J’entends au loin l’enseignant qui m’appelle, mais l’ignore, incapable de faire demi tour. Une fois dehors, je laisse l’air froid pénétrer mes poumons dans une brûlure revigorante. Au bout de quelques inspirations, je me sens déjà mieux. Je me mets alors à ruminer au sujet de Claude. Lucía lui a-t-elle parlé de mes aveux ? Réagit-il au cadeau laissé dans sa salle de bain ? Va-t-il essayer de me retrouver ?
La cloche retentit et le brouhaha soudain des élèves qui se précipitent dans la cour me tire de mes pensées. Gabriel me rejoint, l’air affolé.
— Tout va bien ? Le prof n’a pas voulu me laisser sortir, j’étais super inquiet !
Je lui fais signe que tout va mieux et l’entraîne avec moi devant le lycée pour fumer. En allumant ma cigarette, je laisse Gabriel regarder mon téléphone.
— Tu penses qu’il te cherche ? me demande-t-il.
— Aucune idée. Je ne sais pas trop quoi faire.
— Ignore-le Matéo, attends de voir ta tante.
Je hoche la tête mais reste silencieux, trop inquiet pour parler. Alors que je m’apprête à jeter mon mégot, une main épaisse m’attrape le poignet et me plaque contre le mur près de l’entrée du lycée. La peur me paralyse lorsque je vois la rage dans le regard de Claude. Mes poignets me brûlent alors qu’il me maintient cloué contre le mur et je suis incapable de crier ou de bouger. J’entends Claude hurler comme s’il était à l’entrée d’un tunnel et que je me trouvais à l’opposé. Je ne comprends pas un mot de ce qu’il me dit et sens mon esprit quitter mon corps. Alors, j’aperçois Gabriel se jeter sur l’homme, cherchant à le détacher de moi. Malheureusement, il ne fait pas le poids et, d’un coup de pied, Claude envoie mon copain au sol. Cette vision me fait reprendre mes esprits et, alors que deux surveillants essayent de nous séparer, j’écrase mon genou dans ses parties génitales. Il me lâche enfin et je rejoins Gabriel pour m’assurer qu’il va bien. Les surveillants nous forcent à retourner dans l’enceinte du lycée et appellent la police. Je ne leur explique pas les raisons de cette agression et reste silencieux jusqu’à entendre la sirène. Je n’arrive pas à voir si Claude s’est enfui avant l’arrivée des policiers. Tout ce que je sais, c’est que je suis décidé à en finir avec cette histoire. Alors qu’un agent s’approche de Gabriel et moi pour prendre notre déposition, je me lève et dis d’un ton assuré :
— J’aimerais porter plainte pour violences sexuelles sur mineur.
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